Les premières lignes : Et la gagnante est… Le présentateur fait durer le suspense. Debout sur l’estrade, Audrey attend. Pâle, les cheveux relevés. La jeune femme se dit que la vie ressemble à une ligne en pointillé. Une traversée du désert ponctuée d’oasis. Elle a soif. Les murmures s’estompent. Le public soudain se tait, impatient d’entendre le verdict. La soirée a démarré sur les chapeaux de roue. Reportages, témoignages, volées de question. Quelques bribes de vies narrées. Des spectateurs attentifs et des femmes sans fard qui attendent de savoir qui sera l’élue. Une seule sera reçue avec mention. Sur le podium, elles ne sont plus que dix. Jocelyne, Alexandra, Mylène, Chantal et Marie-Charlotte se sentent déjà éliminées. Elles font bonne figure, sourient faiblement au public qui les encourage. Les salves d’applaudissements chaleureux n’y changent rien. D’instinct, elles savent. Recalées, pas à la hauteur. Elles n’ont pas su répondre aux attentes du jury. Non que leur chair soit moins ferme que celle des autres ou leurs mensurations moins parfaites, l’enjeu est autre, loin de leur tour de taille ou de leurs dents correctement alignées.
Le Mot de l'éditeur : Depuis qu’il a débarqué au port d’Harwich en 1937, Jack Rosenblum, un mètre cinquante-cinq de ténacité pure, entend devenir un véritable gentleman britannique. Il ne ménage ni sa peine ni ses efforts, et a rédigé un guide exhaustif des us et coutumes de son pays d’adoption. Il sait que la marmelade s’achète chez Fortnum & Mason ; il connaît par cœur les noms de tous les rois d’Angleterre, considère le bulletin météo de la BBC comme le moment phare de sa journée et ne parle plus allemand, sauf pour proférer des jurons. Mais, malgré toute sa bonne volonté, son désir de se fondre parmi les sujets de sa Royale Majesté se heurte à des obstacles. Notamment à la force d’inertie de son épouse Sadie, qui refuse obstinément de renier leurs origines, de tirer un trait sur leurs traditions, la recette de la Baumtorte, leurs amis d’autrefois, et ce monde juif allemand, anéanti, qui était le leur. Jack reste pourtant persuadé d’avoir trouvé sa patrie. Un seul point de son guide des coutumes britanniques reste encore à remplir pour que se réalise son rêve d’assimilation : on lui interdit de devenir membre d’un club de golf à Londres. Qu’à cela ne tienne, il quitte la capitale pour s’installer à la campagne, entre les cochons et les jacinthes, et entreprend de construire son propre green sur la colline de Bulbarrow…
Le Mot de l'éditeur : Lorsqu’elle rentre chez elle, Aibileen, seule dans sa bicoque du quartier noir de Jackson, dîne modestement, écrit ses prières dans un carnet, pense à son fils disparu et écoute du gospel, du blues ou le sermon du Pasteur à la radio. Nurse et bonne au service de familles blanches depuis quarante ans, Aibileen n’est pas du genre à s’apitoyer sur son sort. Elle vit pour “ses enfants” – les petits Blancs dont elle s’occupe jusqu’à l’âge où ils changent –, les aime tendrement et met un point d’honneur à leur transmettre l’estime de soi, luttant comme elle le peut contre les idées racistes que leurs parents leur enfonceront bientôt dans le crâne. Aibileen est une âme généreuse, dotée d’une grande sagesse et d’une bonhomie attendrissante. Elle a la vitalité, la douceur et la rondeur d’Ella Fitzgerald. Dans les pires moments, elle peut compter sur sa meilleure amie, Minny, bonne et cuisinière chez les Blancs depuis son plus jeune âge elle aussi, une forte tête qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Entre un mari alcoolique à la main lourde et cinq enfants à éduquer, son quotidien s’apparente à une lutte de survie. Ainsi dissimule-t-elle sa sensibilité sous les traits d’une maîtresse-femme à la langue bien pendue, ce qui lui a valu d’être maintes fois renvoyée. D’ailleurs, sa nouvelle patronne, pin-up désœuvrée au comportement étrange, lui donne déjà du fil à retordre. C’est alors qu’arrive Skeeter Phelan. Vingt-deux ans et fraîchement diplômée, elle est de retour à Jackson où elle retrouve ses anciennes amies. Contrairement à elles, Skeeter n’a pas encore la bague au doigt, attache peu d’importance à ses tenues et sa coiffure, possède un esprit plus ouvert que la moyenne et souhaite plus que tout devenir écrivain. Lorsqu’on lui confie la rubrique ménagère du journal local, elle demande à Aibileen de lui donner des tuyaux. Elle apprend à la connaître et comprend bientôt qu’elle tient son sujet : il y a peu, une certaine Rosa Parks a refusé de céder sa place à un Blanc dans un bus ; un certain Martin Luther King se rend de ville en ville pour défendre la cause des droits civiques ; elle, Skeeter Phelan, va donner la parole aux bonnes de Jackson, leur demander de raconter ce que c’est qu’être une bonne noire au service d’une famille blanche du Mississippi, recueillir leurs témoignages et en faire un livre. Elle y tient d’autant plus que Constantine, la bonne qui l’a élevée et qu’elle aime profondément, a été congédiée par ses parents pour des raisons obscures. Ce projet fou auquel se rallient Aibileen et Minny va les mettre en danger et changer à jamais le cours de leur vie.